Cha Minkyu ★ In your shadow

Épisode 1     “Hello!” lance-t-il alors que la caméra donne à voir à l’entrée de son appartement, la porte ouverte dans la volée sur un Minkyu qui ne s’est jamais aussi bien habillé de sa vie. S’il ne laisse aucunement les spectateurs rentrer à l’intérieur de l’appartement, il pousse légèrement la porte pour donner une vision de l’intérieur: parfaitement propre et rangée… tout l’inverse de ce qu’il serait de mise d’habitude, lui qui laisse sans gêne traîner ses caleçons sur les poignées de porte. “Vous avez envie de rentrer, hm?...” lance-t-il avant de laisser un léger rire lui échapper, levant le doigt pour l’agiter de gauche à droite pour dire que c’est interdit. “Peut-être un peu plus tard?... On y va?” lance-t-il en parlant à la caméra, tendant la main pour faire semblant de tapoter la tête de la personne à laquelle il parle, avant de fermer la porte derrière lui et de s’en aller dans la rue.

Son sourire est un peu forcé. Jouer la comédie, ce n’est pas trop son truc, mais puisqu’il doit préparer une introduction, il a fait de son mieux. Faisant mine d’attendre, adossé contre le mur, il adresse un sourire à la caméra avant qu’un aboiement joyeux ne retentisse près de lui. “C’est l’heure du travail!” lance-t-il avec animation, se penchant en direction d’un énorme labrador doré pour le gratouiller de partout. Pas besoin de faire semblant d’être heureux: même si ce chien n’est absolument pas un de ses clients habituels mais celui d’une fille qui l’a supplié de le laisser apparaître à la télé, il n’a rien contre l’animal. Tout ce qui marche à quatre pattes est son ami… Ceux qui nagent aussi, pour ne pas vexer son gros poisson. “C’est ce que je fais habituellement. Comment on appelle ça?... Doug Seeteur ??” explique Minkyu à la caméra, prenant la laisse en main pour partir en balade avec la caméra. L’air est frais et le soleil brille, le jeune homme tire légèrement sur son col avant de s’arrêter dans ses pas. “Ah. J’ai oublié, je devais me présenter, non?...” Tout ça est trop parfaitement scripté et le fait grimacer intérieurement, mais il s’arrête, intime au chien de s’asseoir à ses côtés pour regarder le fond de la caméra pour sonder son âme.

“Cha Min-Kyu.” lance-t-il en articulant bien, pour que personne ne rate son prénom. Un petit clin d'œil face à la caméra. “Ma spécialité?...” lance-t-il en faisant mine de réfléchir. Il faut le dire, s’il n’est pas très doué en acting, il s’amuse plus que de raison à le faire. “Vous allez la découvrir très vite.” chuchote-t-il avant de tapoter l’étui de sa guitare, qu’il porte de sa main libre. “On va au parc?... On fait la course?” lance-t-il en riant avant de s’élancer, le chien à ses côtés bien trop ravi de pouvoir se dépenser. Bientôt, les arbres viennent prendre part du paysage et ils trouvent un banc où s’asseoir. “J’aime particulièrement la nature.” explique-t-il, penchant la tête en arrière pour fermer les paupières. “Respirer l’air frais… Rencontrer de nouvelles personnes… Se dépenser, profiter de ce que la terre nous offre gratuitement…” C’est qu’il baratine de mieux en mieux, se dit-il intérieurement, lui qui préférerait être devant sa télé console en main qu’ici. Mais il ne ment pas en disant le fréquenter: il y a toujours pas mal de chiens ici ce qui donne à ceux qu’ils promènent l’occasion de socialiser. Et alors qu’il est sur le point de se remettre à parler, un ballon de foot envoyé par des adolescents en pleine partie arrive jusqu’à ses pieds. C’est à point nommé pour montrer… “J’adore le sport. On peut dire que je suis plutôt…” Il tape dedans avec le pied, on entend un très gros “AIE” hors caméra qu’il vient cacher avec un rire. “... athlétique? Je faisais du basket au lycée, vous voyez.” lance-t-il avant d’attacher la laisse du chien, et de sortir la guitare de son étui. “On a pas beaucoup de temps alors… Il vaut mieux commencer maintenant, non?” murmure-t-il avant de prendre son instrument en main, laissant ses doigts filer sur les touches avant de pousser un soupir de satisfaction. “... Ou vous préférez voir ça en vrai?” Un petit signe de la main. “Je suppose qu’il est temps. Pour moi d’entrer sur scène…”

Épisode 1     Ses mains sont moites. Alors que le staff s’agite autour de lui, les bruits tout autour semblent s’effacer et se fondre dans un bourdonnement qui vient embêter jusqu’au plus profond de ses tympans. Une grimace désagréable passant sur ses traits, incapable de savoir quand il doit s’élancer sur scène, avant qu’on ne le pousse littéralement dans le dos. Sa figure apparaît au bord de la scène et il se fige. Il doit avancer. Venir jusqu’au milieu, saluer les juges… non, commencer sa performance… non, faire une introduction…

Il ne devrait pas être ici. C’est ce qu’il se répète tandis que ses pas s’approchent du milieu de la scène, les tremblements présents dans chacun de ses membres. Ce n’est pas comme lui d’avoir du trac. Lorsqu’il se représente pour ses amis, lorsqu’il fait un petit show au bar pour ses clientes, ou lorsqu’il passait ses évaluations. Pourquoi avoir du trac? Puisqu’il sait de toute façon qu’il va rater, ça comme tout le reste. Une dernière chance secrète, sachant très bien que s’il avait pu l’annoncer à qui que ce soit on lui aurait intimé d’abandonner. Il l’avait déjà fait, abandonner. Alors pourquoi se ridiculiser maintenant face au pays entier ?

Minkyu s'assoit sur le tabouret. A peine ses fesses sont-elles posées sur le siège qu’un énorme crac retentit et heureusement, il parvient à se redresser avant de retrouver le sol. Un silence gênant s’étire, alors qu’il s’excuse auprès du jury, auprès du staff. Il remboursera le tabouret après. Mais il n’a pas répété debout, l’idée lui paraissant un instant effrayante. Il lui est impossible de poser le regard sur le public, et il ferme les paupières quelques secondes.

Tout va bien aller. Que peut-on perdre lorsqu’on a rien pour commencer?

Lorsque ses paupières se rouvrent, l’angoisse semble s’être évadée de lui. Un sourire éclatant vient étirer ses lèvres, et il trouve aisément la caméra, avec laquelle jouer du regard. Tenant sa guitare, sa fidèle amie depuis de nombreuses années dans les mains, il prend une grande inspiration et pose les doigts sur les cordes. Son introduction, puis sa chanson. Tout ira bien, se répète-t-il, alors que ses doigts commencent à se mouvoir sur l’instrument.


(exemple du mood de la performance à la guitare)

Il ne fait aucune faute pour l’instant. Tentant de se concentrer uniquement sur lui-même, sur son monde, sur les notes qui jouent entre elles. La position debout lui est plus inconfortable mais il parvient à se débrouiller, se mouvant sur la scène et laissant un doux sourire étirer ses lèvres, compagnon de la musique. C’est au moment où l’introduction s’arrête, qu’il est temps pour lui de chanter, qu’un bruit dissonant s’élève.

Il ne peut s’empêcher de rire. Il a enlevé sa main assez vite pour ne pas se faire blesser par la corde qui a lâché d’un coup, et il lui est si dur d’arrêter l’esclaffe qui menace de faire trembler tout entier son corps. “Ce n’était pas prévu, mais…” souffle-t-il en tentant de ne pas se laisser déstabiliser. Peut-être a-t-il au moins cet avantage par rapport aux autres. Il a vécu tant d’imprévus, tant d’inconvénients, qu’il ne peut plus vraiment les prendre au sérieux. Et alors que la guitare retrouve le tabouret cassé au sol, il se redresse, inspire et commence à chanter, acapella.

Don’t try to find me
I’m in your shadow

Son accent anglais est un peu meilleur lorsqu’il chante. C’est ce qu’il apprécie plus que tout, malgré son talent absent dans la langue, son accent à couper le couteau, il s’est échiné des mois sur cette chanson, sur ces paroles. Une voix tremblante et approximative, rauque, déclame les mots qui devraient être enfermés. De toute façon ne saura-t-elle jamais qu’il a écrit cette chanson pour elle, encore moins que tous ces sentiments sont ceux, sincères, qui se battent en son sein.


And I can’t stop wishing,
Dreams make up my nightmare
Only your smile could ever
Take me away from this hell

Confession cachée par sa vie d'interprète, il s’invente une vie qui est pourtant entièrement la sienne. L’envie pulsant en sa poitrine de s’arracher à cette scène qui lui est inconfortable, bien que rien ne paraisse sur son visage. Alors qu’il lui manque la guitare pour s’accompagner, il se trompe dans la tonalité de sa chanson et laisse sa voix descendre un ton en dessous, laissant briller les teintes graves de sa voix qui se prête avec plaisir aux sonorités rock.

You’d only laugh
If you knew my truth
Or maybe it would drop
With pity,
With disgust,
And you’d walk away

Sa gorge se resserre. Il ne lui reste qu’un couplet et pourtant il ne peut qu’espérer que tout s’arrête là. Ses paupières humidifiées sûrement par une allergie aux lentilles sombres et bleues qu’il s’est forcé à mettre avant la performance, ses doigts tremblants d’une simple illusion. Est-il même capable de réussir une seule performance? Ou se sabotera-t-il éternellement? Ses doigts se resserrent et son regard se fait d’acier. Tant pis s’il n’a aucun talent. On lui a répété cent fois. Il ne peut perdre confiance en ce qui fait lui. Il ne peut perdre confiance en cette douleur qu’il sait transmettre aisément, qu’importe la maladresse dont il fait preuve.

I only ever thought
I’d stay hidden in your shadow
But on this lonely night
Let me dream, and wonder
Were you meant to be his ?
Or were your warm rays
Your dazzling smile
Meant to shine on me ?

Les dernières notes s’évanouissant, le silence effarant tombant sur lui. La conscience qui lui revient, des spectateurs qui sont face à lui, de la vidéo embarrassante qui vient de jouer sûrement avant son entrée en scène, de ses gaffes, et des notes qui lui seront attribuées. Rien n’apparaît pourtant sur son visage. Cette expression confiante et ce sourire brillant qui sont siens réapparaissent, d’une fausseté pourtant effarante. C’était une erreur de venir ici, il en est persuadé. Mais puisqu’il est venu, il ne peut plus s’en retourner.