Let the sun set on your worries — ❝ minyun ♥

Le soleil n'était pas encore couché, mais il n'en était plus très loin. Aussi romantique et ridicule que ça puisse sembler, j'avais décidé de monter jusqu'à la chambre de Jiyun pour le traîner avec moi jusqu'au bord de la plage afin de profiter de la vue. J'avais toujours adoré ça. Ça et les bateaux. Ce n'est pas pour rien que le restaurant de ma mère en avait un énorme peint sur le mur... « Hey. Comment tu te sens ? » avais-je demandé, quand j'avais pu le voir. S'il n'avait pas envie de sortir, je le comprenais aussi. Après tout, apprendre que son groupe allait se terminer, ça n'était pas la nouvelle la plus facile à accepter, surtout que ça n'était pas la première fois pour lui. J'avais fait de mon mieux pour l'encourager, jusqu'à maintenant, mais je savais que je n'étais pas la panacée aux problèmes du monde, hélas. Je pense qu'on aimerais tous avoir de tels pouvoirs, mais que ça n'arrive que rarement, malheureusement... Je reposai les yeux devant moi, les mains enfoncées dans mes poches. « Ça te dit d'aller marcher un peu ? » Pourquoi sonnais-je si grave, tout d'un coup ? L'inquiétude, tout simplement. Parce que je l'aimais, et que j'aurais voulu pouvoir faire davantage. Peut-être que je me prenais encore la tête pour rien, mais ça n'aurait pas été très surprenant.

Concentré sur un bloc de papier griffoné de toutes part par des paroles qui ne cessaient de s'y apposer pour suivre tant bien que mal mon flux de pensées depuis maintenant plusieurs jours, j'avais relevé la tête vivement et avec une bonne expression de hiboux sur le visage, en sursautant à moitié, lorsque la porte s'était ouverte. Toujours très impressionnable comme mec, quand j'étais concentré, oui... « Hey ! » On aurait vraiment pu croire que j'avais quelque chose à cacher, dit comme ça, mais ce n'était pas le cas. Minoh venait tout simplement de me sortir d'un état de semi-transe, si je devais trouver des mots pour décrire la situation...

Comment est-ce que je me sentais ? À vrai dire, pas trop mal. Jiho m'avait longuement expliqué sa situation et ses aspirations pour la suite de sa carrière. Etant donné que du coup, je comprenais tout à fait ses motivations et que je trouvais que c'était très bien qu'il veuille évoluer dans un nouveau sens, ça me réjouissais pour plus plus que ça m'affectait moi négativement... quoi de plus normal, à son âge et avec son expérience ? Il souhaitait évoluer. Ce genre de choses risquait d'arriver tôt ou tard... et ça ne m'attristait qu'à moitié, car je savais qu'on allait continuer à se voir, à bosser ensemble et à être amis. Ca n'avait rien à voir avec ce qui était arrivé à 6rhymes... ce disband-ci, je le considérais comme « sain ». Ca signifiait que Jiho allait mieux, qu'il avait repris goût à la vie et en ça, j'étais très heureux pour lui. Quand à moi ? Eh bien, la vie ne s'arrêtait pas. « je crois que je vais me faire une tendinite si je continue d'écrire... t'as raison, sortons faire un petit tour. » Répondis-je en riant un peu, avant de poser mon matériel et de m'étirer pour me sortir du lit. « J'ai pas vu la journée passer... » Ce que j'avais néanmoins fini par remarquer, c'était l'expression maladroitement inquiète sur le visage de Minoh qui me poussa à lui sourire pour le rassurer. « Tu veux qu'on prenne à manger et qu'on soupe sur les rochers ? » L'idée me décrocha une petite joie à l'intérieur. C'était vachement cliché comme idée mais j'allais éviter de me cringe en laissant juste le fait d'apprécier le romantisme prendre le dessus.

Si je m'inquiétais ? Toujours. Pas dans des dimensions disproportionnées, comme c'était parfois le cas d'autres personnes, mais parce que je n'aurais pas supporté qu'une personne de mon entourage, encore moins une personne que j'aimais profondément, aille potentiellement mal. Cela avait toujours été comme ça, et je constatais hélas que plus le temps passait, plus cette inquiétude se logeait profondément dans mon coeur et dans mon esprit. Alors oui, j'avais voulu emmener Jiyun pour qu'on marche un peu et qu'on profite de ce décor incroyable que nous offrait la côte. Mon amour pour la mer et pour les bateaux était inébranlable, après tout. J'avais attendu sa réponse, laissant un sourire étirer mes lèvres. « Le mal de l'écrivain. Ou du parolier, sans doute. » Ce n'était pas plus mal. C'était ce qui lui permettait de mettre à manger sur la table, comme dirait l'autre. Enfin, quand on y pensait, c'était beaucoup plus que ça, mais on allait garder l'image malgré tout. « Je me doute un peu. Pour ça que je viens t'arracher au travail un peu. » Un léger rire m'échappa et je hochai la tête à sa question. « Yep ! J'ai vu des trucs à manger sur le pouce un peu plus loin, ça te tente ? Je pourrais bien t'emmener au resto mais c'est moins chill. » Un rire m'échappa ensuite. « C'est mieux de chopper un truc bien gras, potentiellement un truc qui pue, et de se poser là comme des touristes. » Qu'on était après tout, non ? Je me disais que ça pouvait toujours nous faire du bien.

Un petit rire m'échappa en l'écoutant parler du mal « de l'écrivain ». Dire qu'enfants, nous passions pourtant notre vie avec un stylo à la main sans broncher et voila que maintenant, des tendinites en découlaient... est-ce qu'on pouvait mettre ça sur le compte de l'âge ? La malédiction des trente ans, diraient les mauvaises langues...

C'est tout en écoutant les mots de Minoh que je sortis donc de ma phase d'écriture qui avait commencé ce matin sans sembler vouloir se calmer, quand bien même nous étions dans un contexte vacancier qui pouvait pourtant donner envie de sortir. Stardom allait d'ailleurs organiser l'un de ses épisodes durant le summer camp, donc ce serait l'occasion d'en profiter... mais je devais bien reconnaître que je m'étais complètement encapsulé dans mes pensées, dernièrement, afin de faire sortir tout ce que j'avais encore sur le coeur jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à en tirer. Pinçant un peu mes lèvres, l'observais donc mon nterlocuteur en me pinçant un peu les lèvres. Avais-je manqué d'attention à son égard, ces derniers jours ? Si ça avait été le cas, alors il faudrait que je m'excuse... « Désolé... » Heureusement qu'il me connaissait, depuis le temps. Ma vie mentale était tellement riche et en arborescence que sans la possibilité d'exprimer les choses sur le papier ou à travers un instrument, je pouvais rapidement surchauffer et cela se répercutait alors irrémédiablement sur mon humeur. Ensuite, je culpabilisais, et on entrait alors dans un cercle sans fin.

« Ouais laisse tomber le resto, autant profiter du paysage ! » Il y avait suffisamment de restaurants à Séoul pour ne pas nous laisser aller à une balade au bord de l'eau, maintenant que nous en étions sortis. Fallait-il encore espérer ne pas être harponnés par des fans... et si les miens étaient plutôt « normaux », dans le sens où j'avais une audience particulière, celle de Minoh... eh bien.. on se passerait de commentaires pour les décrire. « Tu crois que si ça pue, les meufs resteront loin de toi ? » Et en le disant, un petit rire m'échappa malgré moi. Il fallait savoir laisser s'exprimer son exclusivité lorsque l'occasion se présentait.

Je n'en voulais pas à Jiyun d'être perdu dans ses pensées. Les phases comme celles qu'il traversait étaient généralement difficiles, qu'elles soient bonnes ou non. Le changement, l'arrivée de choses imprévues... Je ne pouvais même pas imaginer ce que j'aurais ressenti si un matin Jaejin ou Joonho m'avaient annoncé leur départ. Alors, oui, je le comprenais, et je ne le blâmais en rien. « Y a pas de souci. » Un rire m'échappa et je reposai les yeux sur Jiyun. Je savais qu'il était très fort pour se monter la tête, alors savoir qu'il était perdu dans ses projets, ça m'allait limite mieux que de l'imaginer en train de faire une crise d'anxiété quelque part. Il était en sécurité, ne faisait de mal à personne, y compris à lui-même, alors ça m'allait très bien.

J'avais continué à marcher, les mains dans les poches, les pensées ailleurs. Elles allaient à la mer, qui s'étendait non loin de l'hôtel, et à Jiyun. Je ne pense pas avoir un jour été plus heureux que depuis que nous étions ensemble. « Haha, Ça dépend, est-ce que ça pue assez fort ?  » Un rire m'échappa malgré moi. « Ça me fait penser aux Rafflesia qui attirent les mouches justement parce qu'elles puent...Enfin on va espérer que non hein. » Bref, c'était l'information inutile du jour. « Plus sérieusement j'ai pas eu trop de soucis ces derniers temps, peut-être qu'ils se sont lassés et préfèrent les groupes plus récents ? » Ou alors, j'étais devenu meilleur pour m'adapter. J'avais sorti mon téléphone pour regarder les petits restos qui offraient une option à emporter du coin, et j'en avais trouvé quelques un. « Plutôt poisson ou poulet ? »

Une fois décidés, je m'étais donc arraché au lit pour aller me préparer à manger, changeant rapidement de vêtements en me déconnectant du mode écriture pour me concentrer pleinement sur le moment présent. Pouvoir sortir à la plage avec Minoh, sans avoir d'obligations professionnelles qui attendaient derrière, c'était une aubaine que je ne voulais pas laisser passer. « On va voir ça... » Mais sa remarque sur les Rafflesia me décrocha un rire et... oui, c'était vraiment une blague de nerd, à base d'annectodes de culture générale, mais c'était ce que nous étions alors forcément, il n'y en n'avait pas un pour ratrapper l'autre... « Lassés ? » Je tournais la tête pour l'observer un peu, tandis qu'il regardait son téléphone. « Attends, c'est pas un cheveu blanc que t'as, là ? » Lassé, cheveux blanc, m'voyez où je voulais en venir ? Le public de V3 prenait de l'âge avec ses membres et les fans folledingues s'assagissaient (pas toutes), laissant place à la nouvelle génération de sassaeng pour the Crowns. Ce n'était pas plus mal, vous me direz...

« Poulet. » Le poulet prendrait toujours la première place... c'était la solution universelle, y compris à mes phases de stress envahissantes, qu'on se le dise. « Heh... tu te rends compte que vos fans commencent à se marier et à avoir des enfants ? » Mes yeux se tournèrent vers les siens après avoir posé cette simple question, à l'affut de ses réactions et ceci pour des raisons qui ne regardaient que moi pour le moment.

Un rire m'avait échappé au commentaire de Jiyun. « Rude. Je mérite pas ton mépris comme ça. » Je n'étais pas si vieux, tout comme il ne l'était pas non plus, pas vrai ? J'espérais quand même que nos fans grandissaient avec le temps, quitte à ne plus s'intéresser autant à nous... Parce que l'amour de parfaits inconnus, c'était une chose, mais leur tendance à s'immiscer...Celle-là ne me manquait pas du tout. Je me rappelais encore une de mes premières années après les débuts, quand j'avais dû me réfugier dans les cabines d'une boutique de vêtement avec l'espoir de ne pas être découvert par les sasaeng qui nous suivaient... Autant dire que ce genre de choses ne me manquaient pas. Tout comme le souvenir douloureux de cette fille qui s'était introduite dans notre dortoir et nous menaçait d'un couteau. Je grimaçai un peu à cette pensée. Cela, ce n'était même pas tellement ancien.

« Allez, go poulet alors. » J'avais souri avant de jeter mon dévolu sur un petit restaurant qui offrait l'option du poulet à emporter. De toutes sortes, d'ailleurs, alors Jiyun trouverait forcément bon bonheur là-dedans. Un sourire aux lèvres à cette pensée, je commençai à marcher en direction de l'établissement en question, sans réellement savoir à quel point l'indication de temps (10 minutes de marche) était correcte ou non. Je reposai les yeux sur Jiyun en l'entendant parler, puis, inspirant profondément malgré moi, j'avais détourné les yeux sur le chemin à nouveau. « Ouais. Le temps passe vite. » Je ne pouvais m'empêcher de penser à ma mère qui avait pendant toute sa vie espéré qu'un jour, elle aurait un petit fils ou une petite fille. Elle en avait peut-être, du côté de Minhyuk et de Meena, mais d'un autre côté... Elle ne les connaîtrait peut-être jamais. Mon coeur se serra à cette pensée.

C'est qu'elle vieillissait, après tout.
Elle vieillissait, et je savais qu'un jour, avec sa santé, elle ne serait plus de ce monde.
C'était notre sort à tous.

Mais je n'avais jamais voulu parler de tout ça. De cette culpabilité, de cette peur. Et je la gardais sur le coeur comme une pierre que je ne parvenais pas à jeter au loin.

« Un jour on sera vieux aussi. »

Pas aujourd'hui. Pas maintenant. Tout ça, ça pouvait attendre.