— from home ✬彡 myungsoo

Dans la pièce à vivre des Seo, où trône une table qu'on a rallongée pour l'occasion, résonne encore le joyeux tintamarre d'un grand repas qui s'éternise, quoique touchant à sa fin. Le bruit singulier des voix qui se couvrent mutuellement est plutôt joyeux, et, d'ordinaire, Ilkyung y aurait volontiers ajouté la sienne. Ce soir, pourtant, on le trouve étrangement silencieux - Ilkyung n'a jamais été connu pour être un garçon calme, mais aujourd'hui, il préfèrerait presque que les autres le soient un peu plus. Pas l'humeur à la fête, et la tête ailleurs, si sa mère n'aura sûrement pas manqué de remarquer qu'il a passé la majorité du repas à fixer son assiette, elle n'en a pas dit un mot. Plus tard. Seuls à seuls, elle pourra lui parler, le réconforter, si le besoin s'en fait sentir. Confiante, elle se dit que la présence des Ahn à leur table ce soir est d'autant plus une bonne idée, que passer un moment avec son meilleur ami de toujours aura vite fait de requinquer son fils, de lui faire passer cet air renfermé.

Et il y a quelques mois, ça aurait sûrement été vrai - ce soir, cependant, la présence de Myungsoo est sûrement une grande partie de ce qui fait naître l'humeur grise d'Ilkyung, quoiqu'en ce moment, elle n'est jamais vraiment rose. D'ordinaire, il aurait sûrement trouvé du réconfort dans ce retour à sa maison d'enfance, à sa famille, dans la chaleur de leur accueil, le sourire de sa mère, l'agujjim de sa grand-mère et les histoires de son grand-père. Cependant, il n'arrive qu'à se sentir tourmenté par l'impression de fausseté qui l'emplit - pas la leur, mais la sienne. Rien que n'arrange la présence de Myungsoo à la même table, les petits regards qu'il lui jette de temps à autres - ce soir la nourriture a un petit goût de rancœur.

"...laisser les garçons aller s'amuser entre jeunes ?" La voix de sa mère le tire un peu brusquement de ses pensées, ou du moins, la fin d'une phrase qu'il n'aura entendue qu'à moitié. Évidemment, qu'elle pense leur faire une faveur - d'ordinaire, il aurait sauté sur l'occasion de fuir les conversations d'adulte, et une énième tentative de sa grand-mère de le faire se resservir, pour "le requinquer" de sa vie à la capitale. Aujourd'hui...il se sent un peu tiraillé. Pas particulièrement envie de se retrouver seul avec Myungsoo, mais à se dire aussi qu'ils pourraient en profiter pour parler. Ou alors, Myungsoo se contenterait de l'insulter à nouveau - pas un moment très agréable. "Hm ? Qu'est-ce qui te fait dire qu'on a pas envie de rester à écouter vos conversations de vieux ?" Sa mère roule des yeux. "Toujours aussi charmant, mon fils...allez, laisse nous donc entre vieux." Vêtu d'un sourire taquin, de l'insolence qu'on lui connaît bien, et à nouveau du masque de celui qui n'a pas le moindre problème, Ilkyung pense donner le change sans problème. Son regard se pose sur le visage de son ex meilleur-ami, à tenter de deviner ce qu'il en pense, insistant, l'air de dire, "allez, dis-lui non". Il a un peu peur, finalement, de ce que Myungsoo pourrait lui dire, s'ils se retrouvaient seuls à nouveau.

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Si ses parents l’avaient prévenu, il aurait sans doute tout fait pour ne pas venir, prétendre qu’il avait beaucoup à faire, qu’il n’était pas autorisé à quitter Séoul pour le moment. C’était une surprise, censé lui faire plaisir. Mais quand sa mère lui avait annoncé, un large sourire aux lèvres, il avait eu envie de hurler. Passer la soirée chez les Seo, à la limite, il s’en serait réjouis. Il n’avait rien contre Monsieur Seo, ni contre sa femme et sa fille. Mais son petit-fils ? Difficile. Une autre histoire. Il regrettait que Dohyun ne soit pas venu. Il en voulait à son frère de rester à Busan pour « étudier », sachant très bien que ce n’était pas pour ça qu’il ne rentrait pas. Myunghwan et Myunghee passeraient la soirée chez les grands-parents paternels, trouvant cela bien moins ennuyeux que ce repas entre amis pour le plus grand des deux.

Donc, Myungsoo n’avait aucun allié. Une fois là-bas, il avait salué Ilkyung le plus normalement possible, finissant par l’ignorer tout au long du repas, joignant la conversation dès qu’il le pouvait, essayant de pousser Monsieur Seo à raconter le plus d’anecdotes possible sur le « c’était mieux avant ». Parfait. Comme ça, le temps passait, le repas se terminait et il allait pouvoir rentrer et être pour la première fois de sa vie et pour quelques heures, enfant unique. Ses yeux s’écarquillèrent un peu en entendant la suggestion de la mère Seo. Mais il ne voulait pas du tout faire ça ?! Il regarda son père, presque désespéré, priant pour qu’il le sauve, qu’il décide soudainement qu’il ne voulait pas s’éloigner de lui, quelque chose comme ça. et il crut en sa victoire quand ce dernier glissa son bras autour de ses épaules. « Soyez pas si poli, promis on s’en sort sans vous ! Myungsoo nous dit toujours qu’il n’a jamais le temps de voir Ilkyung, c’est l’occasion ! » A chaque fois, il évitait les questions le concernant en prétendant qu’ils étaient trop occupé. Il n’aurait jamais pensé que cela lui retomberait dessus comme ça.

Mieux valait éviter les questions. Il offrit un sourire mielleux à son père, puis aux autres adultes autour de la table. « Puisque c’est comme ça. Seo Ilkyung, let’s go. » dans l’entrée, il attrapa sa veste, remettant ses baskets avant de quitter la maison. Il ne savait pas trop pour quoi faire, ni pour aller où. Tout était calme, à cette heure-ci. En même temps, la ferme était un peu isolé, mais on voyait le village plus loin. Avançant de quelques pas, il pencha la tête comme pour s’assurer que personne ne les voyait, sortant son paquet de cigarette en s’installer sur une pierre malgré le froid. « Mes parents savent que je fume maintenant, Dohyun la dit ‘par mégarde’. Mais j’ai dit que j’ai arrêté. » Donc il avait menti et ses parents ne savaient plus. il laissa le paquet ouvert à côté de lui, au cas où Ilkyung le surprendrait à en vouloir une. Un léger malaise le gagnait, évitant encore le regard de son ancien meilleur ami. Un souvenir lui revint, un fantôme qu’il avait croisé, hésitant à en parler. Myungsoo se répétait encore et encore que ce n’était pas son affaire. Que ça ne le concernait plus. il voulait s’en convaincre.

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Il y aurait pourtant eu un million de raisons, d'excuses pour refuser cette faveur que sa mère croit faire à Ilkyung. À croire qu'ils ont tous les deux oublié comment réfléchir, trouver des prétextes ; fatalement, les voilà presque forcés de partager à deux un moment privilégié de gêne et regards de travers. Ilkyung espère, simplement, que la colère de Myungsoo sera retombée au moins assez pour ne pas provoquer une discussion semblable aux deux dernières. Pas d'humeur pour grand chose, encore moins pour ça, c'est en masquant son appréhension qu'Ilkyung quitte la table, à tenter de se donner l'air de rien. "C'est vrai qu'on est tous les deux très occupés, à Séoul," concède-t-il dans un sourire à monsieur Ahn, tout en pensant qu'ils pourraient n'avoir rien à faire qu'ils ne se verraient pas plus, et ça lui fait un drôle de pincement au coeur, pas encore habitué à l'absence de Myungsoo dans son quotidien, pas sûr de pouvoir vraiment s'y faire. C'est qu'il n'a pas grand monde de plus à qui tout partager, qu'il est même pas sûr d'avoir envie de trouver quelqu'un d'autre auprès de qui il pourrait parler de la même façon. Myungsoo, c'est Myungsoo, et si Ilkyung n'a pas fini de lui en vouloir pour ses mots trop durs, il sait aussi que personne d'autre ne saurait remplir le rôle de meilleur ami aussi bien qu'il le fait - qu'il le faisait. Douloureusement, il se dit aussi que de toute façon, il serait peu probable que quelqu'un en ait envie, après l'avoir vraiment connu. Son estime de lui ne va pas pour s'améliorer, ces derniers temps, mais il chasse ces pensées grises en enfilant son manteau avant de s'engouffrer dans la nuit. Après tout, il n'avait pas besoin de penser à tout ça, le moment s'annonçait déjà assez compliqué.

Son nez se fronce à sentir la fumée de cigarette s'y glisser. Ça lui fait bizarre, d'entendre Myungsoo lui parler l'air de rien de la découverte par ses parents de cette mauvaise habitude, de sa promesse factice d'arrêter. Comme s'il ne s'était rien passé, qu'ils pouvaient discuter comme ils l'avaient toujours fait. Lui-même se surprend à répondre machinalement, sans trop y réfléchir, quoique d'une voix plus neutre, cordiale qu'à l'ordinaire. "Ah. Pas cool, la gaffe." Celle de Dohyun, quoiqu'il n'en soit pas surpris : quand on parle autant que lui, il n'est pas difficile d'en dire trop. "Mais tu devrais. Arrêter, j'veux dire. Fumer, c'est très mauvais pour les cordes vocales." À se sentir un peu comme avant, parce qu'il a dû lui faire la remarque un million de fois depuis que Myungsoo a rejoint le même chemin que lui ; même si, au fond, ça lui importe peu, ça ne lui a jamais vraiment importé. Loin d'être un exemple sur les choses mauvaises qu'on continue malgré tout, sûrement qu'Ilkyung devrait se taire. Mis mal à l'aise par cette drôle de situation, ses yeux se posent sur Myungsoo, alors qu'il garde le silence un instant. "On est pas obligés de se parler...on peut rester là en silence puis rentrer en disant qu'il faisait froid, s'tu veux." Ilkyung ne sait pas ce qu'il trouve pire : cette conversation qui lui semble sonner faux, ou rester assis dans un silence lourd. Leurs derniers échanges ne sont pas si loin, il en a encore le goût amer sur la langue, leur poids sur l'estomac.

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Ce n’était pas réellement un mensonge. Ils étaient occupés, à Séoul. Ces derniers mois, Myungsoo n’aurait même pas été certain qu’il aurait eu le temps de voir Ilkyung, même si tout allait bien. Entre le tournage de Twinkling Watermelon et la tournée asiatique de The Crowns, son temps libre avait été limité. Néanmoins, ils ne laissaient jamais plus de quelques jours passer sans s’envoyer un message, sans se parler, ou venir se raconter des anecdotes sans importances, se plaindre de telle ou telle personne. Il était bien le seul chez qui il faisait ça et c’était reposant, avant, d’avoir quelqu’un chez qui il pouvait tout dire. C’était juste du passé, maintenant. Il ne retournerait pas en arrière et il avait la rancœur bien trop vive pour tout effacer.

Tant de choses qu’il ne pouvait évidemment pas partager. Devant leurs familles, ils devaient encore prétendre être amis. Les raisons de cette rupture amicale, il ne voulait en parler à ses parents pour rien au monde. Tout ce qui concernait ce manager, il ne pouvait et ne voulait pas en parler. Tout cela causait donc une situation inconfortable, une fois dehors. Il préférait largement la présence non désiré de son ancien meilleur ami à des explications compliquées devant leurs familles. Du coup, il comblait le silence avec la gaffe de Dohyun. « Les. Il l’a fait deux fois. Devant ma mère, puis devant mon père. » Mais il l’aimait quand même, bien qu’il restait persuadé qu’il l’avait un peu fait exprès. Son regard se lève vers Ilkyung face à son audace et à ses « bons conseils », le fixant un instant en faisant de son mieux pour ne pas commencer des hostilités et ne pas faire de remarques sur le mode de vie de ce dernier. Un haussement d’épaules ferait l’affaire. Il ne fumait plus tant que ça, et essayait doucement de se mettre à la cigarette électronique. Ce n’était peut-être pas meilleur, mais au moins, ça sentait moins mauvais.

Dans tous les cas, il était fier de n’avoir rien rétorqué, se contentant d’un léger rire teinté de sarcasme, avant de détourner son regard de lui. ne pas parler, c’était une bonne idée. Juste attendre. Myungsoo hocha la tête sans lui répondre, laissant le silence s’installer. De toute façon, il voulait croire qu’Ilkyung ne voudrait pas savoir qu’il avait revu son père. Ça faisait longtemps. Et sauf s’il ne lui avait jamais dit, il ne le cherchait plus. myungsoo s’étonnait un peu de l’avoir reconnu, d’avoir cette certitude que c’était bel et bien lui. pinçant ses lèvres, il hésita un instant, regardant à nouveau Ilkyung. « J’dois te dire un truc. » Il s’en voudrait, de ne pas le faire, de ne pas au moins lui laisser l’option de savoir. Aussi fort qu’il lui en voulait, il n’arrivait pas à entièrement le détester. Ecrasant la cigarette sur le sol, il l’enveloppa dans un mouchoir qu’il cacha dans sa poche pour le jeter plus tard. « J’ai croisé ton père à Séoul. Si tu veux pas plus d’informations, j’te dis rien de plus et on peut faire comme si j’avais rien dit. » Et s’il voulait savoir où, quand, comment, il lui dirait. La décision devait lui revenir.

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Si le mois de décembre est plus doux, sur la côte Sud du pays, ça n'empêche pas Ilkyung de sentir quelque chose de glacial se glisser sur sa peau. L'étrangeté, le malaise de la situation s'infiltre sous son manteau comme le ferait un vent mordant, rappel hivernal de la situation. C'est étrange, d'être avec lui, avec Myungsoo. Ça ne l'était pourtant jamais, avant. Sans savoir ce qu'il préfère entre le silence et les quelques mots maladroitement échangés, Ilkyung se figure cependant qu'il a presque l'impression de se trouver face à un étranger. Un étranger qui, pourtant, était il y a quelques semaines la personne qui le connaissait le mieux au monde. Celui à qui il pouvait tout dire, tout avouer - ou du moins l'a-t-il pensé. Aujourd'hui, n'ont-ils rien de mieux à échanger que des tristes banalités ? Peut-être bien que le silence est préférable. Ilkyung n'a jamais aimé ça, le silence : le silence, c'est la solitude. Parler pour ne rien dire, c'est se mentir pour penser qu'on est pas seul, ou du moins, pas tout à fait.

"Hm. À ce stade, t'es sûr que c'est une gaffe...? Enfin, bon. Ça m'regarde pas", qu'il grommelle rapidement, presque pour se rattraper, avant que le rappel ne vienne de Myungsoo. Ça ne le regarde plus : après tout, le plus jeune l'a dit lui-même, ils ne sont plus amis. Il ne veut plus rien avoir à faire avec lui. Amer, Ilkyung pense que ça doit bien être terrible pour lui que de se retrouver ici, forcé à passer du temps avec ce type si pathétique qui le dégoûte tellement, qu'il semble tellement mépriser. La rancune l'empêche de s'en sentir désolé : il n'avait qu'à se trouver une meilleure excuse pour y échapper. Au fond, pourtant, il doit bien admettre que lui-même n'en mène pas large, l'estomac tordu par ce terrible mélange de peine et d'appréhension. Le silence, ce n'est peut-être pas si mal. Le silence, c'est mieux que les injures, que les mots qui touchent si précisément qu'ils sont dévastateurs.

"Qu'est-ce qu'il y a ?" Il se retient tout juste de lui rappeler, pas très aimablement, que Myungsoo a juré ne plus vouloir lui parler. Que pourrait-il avoir à lui dire ? Ilkyung s'en inquiète un peu, à se demander ce qui lui vaut cette attention soudaine. "Tes parents vont bien ? Ta soeur ?" La petite, évidemment. Leur fils aîné aura beau jurer ne plus rien vouloir à faire avec lui, les Ahn n'ont rien fait à Ilkyung, qui leur tient en son coeur une place de choix. Silencieux, à nouveau, ses yeux qui se posent sur lui portent une certaine inquiétude, à se demander ce qui peut bien se tramer, ce qui est assez important, ou grave, pour qu'il estime nécessaire de le lui dire. Rien de bon, sûrement.

Non, rien de bon.

Ilkyung préférait encore le silence.

Et c'est exactement la réponse qu'il lui donne : le silence.

Pas un mot, pour quelques instants qui semblent pourtant s'étirer sur l'éternité. Pas un mot, pas un geste ; on se demanderait presque s'il pense encore à respirer. Figé. À ne pas savoir, un instant éternel, quoi dire, quoi penser, quoi ressentir. À vouloir se prétendre pierre, et se dire que ça ne l'atteint pas ; tout en se sentant, au fond, pareil à l'enfant de huit ans qu'il était. Puis, se ressaisir, après cette petite éternité, se redresser, le regard froid, impassible, mais fixé dans le vide, comme s'il avait peur de se briser si on cherchait à le croiser. La voix froide, elle aussi, presque stoïque. Et, le temps d'un espoir idiot, il veut penser qu'il peut se faire homme de pierre.

"Si c'est une manière de te "venger" ou j'sais pas quoi, c'est hyper tordu. Du genre psychopathe." Les mots intenses, la voix froide. Au fond, pourtant, il le connaît encore assez bien pour savoir qu'il ne mentirait pas sur ça - mais ne veux pas y croire. Pas encore, pas avec toutes les questions que ça implique, leurs réponses trop douloureuses. "Ça fait quinze ans q'tu l'as pas vu. Comment tu peux le reconnaître ? Être sûr que c'est lui qu't'a vu ? T'as dû te tromper. Ça devait pas être lui." L'homme de pierre a pourtant la voix qui vacille, pas si loin de le supplier de faire erreur - parce que ça ne peut pas être vrai, qu'il ne peut pas être là, si près, depuis tant de temps, et rester tout aussi silencieux. C'est toujours mieux de se voiler la face, c'est même sa spécialité - peut-être s'est-il usé à l'avoir trop fait. Au fond de lui, il sait. S'il lui en a parlé...il sait. "C'était vraiment lui...?" À nouveau, on voit sur ses traits l'enfant qu'il était. Qui est triste, qui a peur. L'enfant abandonné.

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« Ouais, j’le soupçonne aussi un peu d’avoir fait exprès », qu’il répond en haussant les épaules, recrachant la fumée de sa cigarette. Dohyun voulait qu’il arrête et peut-être qu’il avait inconsciemment cherché des alliés chez ses parents. il pensait que parler de banalités ou de sujet joyeux – dohyun – aiderait à passer le malaise, mais ce n’était visiblement pas le cas. Il en voulait à ses parents de ne pas lui avoir demandé son avis avant d’organiser cette soirée. La culpabilité pesait soudainement sur lui, face à la présence de celui qu’il avait appelé toute sa vie – d’aussi loin qu’il s’en souvenait – son meilleur ami. Pas à cause de la dernière rencontre, pas à cause de ce qu’il lui avait dit, non. Pour ça, il s’en voulait un peu, trouvant néanmoins encore sa réaction légitime face à cette situation. Mais non, ce n’était pas ça.

Sa culpabilité venait de quelque chose qu’il n’avait pas contrôlé, une rencontre hasardeuse. Il savait bien, combien la disparition de son père avait pesé dans sa vie, combien Ilkyung en souffrait encore aujourd’hui même s’il jurerait que non. Qu’il s’en fichait, que ça n’avait pas d’importance. Et Myungsoo savait que la chose la plus juste à faire serait de lui laisser le choix de savoir ou non où il se trouvait. A sa place, il n’était pas certain de ce qu’il voudrait. Il ne pouvait pas prétendre comprendre ce que le plus âgé ressentait. il n’en avait pas la moindre idée, donc n’était pas en mesure de savoir par avance comment le lui annoncer. Il pince les lèvres, s’en voulant de mettre malgré lui du temps à trouver les mots, causant à Ilkyung plus d’inquiétudes encore. « Non… Non, mes parents et ma sœur vont bien, c’est pas un truc qui me concerne… » Il roula doucement ses lèvres l’une contre l’autre avant de le regarder à nouveau, rassemblant son courage pour finalement le lui annoncer, attendant sa réaction.

Myungsoo ne brise pas le silence, se doutant qu’il devait lui laisser le temps de digérer tout cela et de trouver quoi faire de cette information. Ses sourcils se froncent néanmoins quand il vient briser le silence. Comment osait-il penser qu’il inventerait tout ça pour se venger ou par pur méchanceté ? Il ne détesterait jamais assez Ilkyung pour faire ça. il se doutait néanmoins qu’il essayait là de trouver des excuses pour ne pas y croire, ou de s’assurer que c’était bien vrai. Le garçon ne répondit pas à cela, ne cherchant pas à attiser le conflit. La suite faisait un peu plus sens. Oui, la dernière fois qu’il l’avait vu, il n’était qu’un enfant de sept ou huit ans. Et il ne l’avait vu que quelques fois. La plupart du temps, à cet âge-là, ils allaient jouer chez lui comme sa mère était toujours là pour les surveiller. Néanmoins, même quand ils allaient chez Ilkyung, le père était rarement présent.

« Ilkyung… » Il ne savait comment l’interrompre, comment lui expliquer, se redressant sur la pierre. Encore une fois, il lui laisse le temps de laisser les informations tourner dans son esprit, hochant lentement la tête à sa question. « Oui, c’était vraiment lui. A 99%. » Evidemment, lui ne l’avait pas reconnu. En quinze ans, il avait un peu plus changé que quelques rides de plus dans son visage comme le père de son ancien meilleur ami. « Il a pas tellement changé. J’avoue qu’au début, j’étais pas sûr, j’me disais que c’est peut-être juste un gars qui lui ressemble. T’as raison, ça fait quinze ans donc j’me souvenais pas avec certitude d’à quoi il ressemblait. Mais il était avec une femme qui avait l’air d’être sa collègue. Elle l’a appelé Bae Jaelin. » C’était peut-être une coïncidence mais elle serait un peu grosse. « Tu sais que je mentirais pas sur ça. C’est blessant de ta part de penser que je ferais une vengeance aussi nulle. » Quand son esprit maléfique s’échauffait, il faisait preuve de bien plus d’imaginations.

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L'ambiance lourde semble presque épaissir l'air qu'il respire, mélasse compacte qui lui reste en travers de la gorge, lui encombre les poumons. Ou sont-ce ses nerfs qui compriment ainsi ses côtes et sa trachée ? Quoiqu'il en soit, il lui semble plus difficile de respirer. Peut-être que ça irait mieux, s'il était moins crispé, son corps alourdi par ses poings crispés, sa posture raide. C'est dur, de se détendre, de faire comme si de rien était. De simplement parler de Dohyun et ses gaffes, de prétendre que leur dernier échange en face à face ne l'a pas laissé en morceaux, l'intérieur tout abîmé sous la carapace de fausse impassibilité qui commence à s'user.

Ilkyung n'a plus toujours la force de prétendre que tout va bien, quand ça fait trop longtemps que ça n'a plus été vrai. Il continue, pourtant, se demande jusqu'à quand il pourra continuer à donner le change. Ici, face à tout ce malaise et cette conversation dont la tournure commence à vraiment ne pas lui plaire, il se sent fléchir un peu. Juste un peu, mais il tient encore : il faut toujours garder la tête haute, même si ses yeux trahissent son inquiétude, d'abord. Rapidement, elle s'estompe, peut-être pour mieux revenir ? "Oh. Oh, d'accord. Tant mieux, s'ils vont bien." La voix raide qui trahit son malaise, à se demander ce qu'il peut bien se passer. Entre ses paupières fatiguées, son regard passe à nouveau par l'inquiétude, puis voit naître un éclair d'émotion, presque de colère. Bref, si bref. Lorsque les nouvelles qui résonnent à ses oreilles ont du mal à tout à fait prendre leur place dans son cerveau, le regard se vide, et lui reste là, un instant, un long instant, silencieux. Stoïque. Comme si le retour de ce fantôme l'avait frappé si fort qu'il s'était tout à fait arrêté, figé dans le temps sans pouvoir se remettre en marche.

Pourquoi est-ce qu'il s'en soucie, au fond ?

Ilkyung n'a plus besoin d'un père.

Il n'en a peut-être même jamais eu besoin - il aurait mieux fait de ne jamais pointer le bout de son nez.

Non, il n'a pas besoin de lui. Et il ne veut rien en savoir. Mais pourtant.

Pourtant.

Sous ses airs fiers, les pensées silencieuses qu'il ne peut pas réprimer ne trompent pas - si seulement il ne les étouffait pas, à chaque fois. Les espoirs idiots. Les questions qui le traversent avant qu'il ne les balaies, à les trouver ridicules. À chaque fois que la lumière se pose un peu plus sur lui, qu'il a son moment d'éclat, sous les caméras, sur la scène. Est-ce qu'il m'a vu ? Est-ce qu'il m'a reconnu ? Est-ce qu'il est fier, ou mieux, est-ce qu'il regrette.

Il se déteste à chaque fois qu'il ne peut s'empêcher d'y penser. Mais, comme un parasite, une tumeur dont on ne peut se débarrasser, cet espoir idiot ne peut que perdurer. Vouloir qu'il le voit, qu'il le remarque, qu'il regrette de l'avoir laissé derrière lui. Pourquoi est-ce qu'il regretterait, au fond ? Ilkyung sait depuis longtemps que son père n'a rien perdu de considérable, en le laissant derrière lui. Ça n'empêche pas que ça fait mal, d'entendre ça. Tout ce temps, à le chercher sans s'en rendre compte, à espérer marquer son esprit même si loin. Tout ce temps. Et il était juste là. Si proche, mais toujours si indifférent. Et Ilkyung sait plus qui il déteste le plus : son père, ou lui-même.

"J'sais plus, ce que tu ferais ou non, Myungsoo. Désolé si tu trouve ça blessant, mais bon, tu te gênes pas pour l'être non plus." À sortir de sa torpeur alors que l'acide monte dans sa voix, que la colère commence à suinter des fissures qui marbrent sa carapace, son faux air de marbre. D'abord, dirigée au mauvais endroit, avant qu'il ne se repasse les aveux de Myungsoo, une fois de plus, ça, ça remet les idées en place, ça fait grandir la colère qu'il voudrait jeter sur un éternel absent. Les poings serrés, les jointures blanches, le feu dans les yeux, à tenter de se contenir, encore un peu, le temps que l'information finisse de se faire une place dans sa tête. "Sa collègue ? Ou plus ?" De sa mémoire, surgissent des mots d'un triste soir d'hiver. "Il la voulait elle," avait dit sa mère, et Ilkyung se demande si c'est bien elle que Myungsoo a vue, celle qu'il a préférée à son propre fils. "Peu importe, hein." Un rire sans joie. "Que ce soit sa collègue, sa femme, les deux...il a une collègue, une femme, peu importe, à Séoul." Conclusion froide jetée d'une voix dure. "Tu pense qu'il vit à Séoul ? À ton avis, ça fait combien de temps qu'il est là-bas, que moi aussi, et qu'il en a rien à foutre ? J'veux dire, il est bien obligé d'savoir que j'suis là, on affiche assez nos têtes de partout, il doit savoir, hein, donc il est là, j'suis là, il sait que j'suis là, et il fait rien ?" La voix qui monte dans les aigus à mesure que la colère s'en empare, et il se lève, sans savoir pourquoi, ponctue sa diatribe par les cents pas qu'il s'est mis à faire sans s'en rendre compte tout à fait. "Comment tu peux t'en foutre à ce point de ton propre fils, hein ? J'veux dire, merde, j'étais décevant à ce point, pour qu'il s'en branle comme ça ? Moi aussi, j'devrai m'en foutre, c'est ridicule, ça fait quinze ans, j'fais pitié, j'fais pitié mais ça m'rend fou de me dire ça, j'veux dire, j'suis son fils bordel, j'suis peut-être un raté, mais j'suis son fils, ça doit bien vouloir dire un truc, non ? Y a personne qui l'a obligé à venir, la première fois, il aurait pu rester un inconnu, mais il est venu, il est rentré dans nos vies, ça doit bien vouloir dire quelque chose, non ? S'il voulait faire comme si j'existais pas, alors, il aurait pu faire ça dès le début. C'est un putain de tocard, j'le connais même pas, mais c'est un tocard, fallait pas qu'il s'étonne d'avoir un fils tocard aussi, en fait." À tout lâcher d'une traite enragée, presque sans respirer, se retrouver essoufflé quand il finit par se taire pour reprendre un peu d'air, même pas savoir exactement ce qu'il à dit. Comme si la colère, la peine, toutes les blessures emmagasinées avaient choisi ce moment pour ressurgir, ressortir, comme si cette information dont il devrait pas se soucier avait fait se réveiller tout ce qu'il voulait garder caché.

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Comment lui en parler ? Il savait bien que beaucoup des problèmes d’Ilkyung prenaient racines à cet abandon. Il savait aussi qu’il ne pouvait pas tout justifier par cela et que ses actions, il en était pleinement conscient et responsable. Mais là, il ne devait pas laisser sa rancœur l’emporter. C’était impardonnable et il ne pourrait sans doute jamais passer outre cela. Cependant, il lui devait bien cette vérité, celle qu’il avait recroisé son père. Qu’il était bel et bien vivant. Peut-être qu’il aurait dû lui dire différemment, ailleurs. Avec une autre tierce personne pour l’épauler ensuite. Mais Myungsoo n’avait pas eu envie de reprendre contact avec lui, s’en étant senti bien incapable. Là, il n’avait pas eu le choix et le moment lui avait semblé opportun. Il laissait néanmoins à son ancien meilleur ami tout le temps nécessaire pour digérer cette nouvelle. Myungsoo ne pouvait pas dire qu’il comprenait. Il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il ressentait, de ce qui se passait actuellement dans sa tête. Il savait juste qu’il avait probablement besoin de temps.

Un rire roule dans sa gorge à sa réponse, haussant les épaules. Ils n’allaient pas commencer à compter les points. Ni répondre d’ailleurs à cela. Ce que Ilkyung devait retenir, c’était tout simplement qu’il n’avait rien inventé. Il l’avait vu, et il avait entendu quelqu’un l’appeler par son nom. A sa question, Myungsoo n’avait aucune réponse. « J’sais pas. si c’est sa femme, ils ont un mariage triste. » Vu qu’elle lui parlait avec tant de politesse. Mais il n’allait pas s’engager sur ce terrain glissant. Evidemment qu’il savait que cela sonnait faux, quand Ilkyung tentait de prendre un air détaché, notant bien combien cette nouvelle semblait à la fois le perturber et le blesser. Silencieux, il se sent terriblement inutile face à ses tirades, à ses questions qu’il sait bien sûr qu’Ilkyung n’attend aucune réponse de sa part. pinçant les lèvres, il l’écoute silencieusement, s’en voulant de n’avoir aucune réponse ni aucun mot. Il ne connait pas le père d’Ilkyung, et l’histoire il ne la connait qu’à travers les mots de l’enfant blessé de neuf ans qu’était son ancien meilleur ami à l’époque. Qu’il racontait encore sous ce même regard quinze ans après.

Penché vers l’arrière, il vérifia que personne ne les cherchait avant de pousser Ilkyung vers l’arrière le plus doucement possible pour le forcer à s’asseoir sur le muret, s’installant à côté de lui. après une brève hésitation, il glissa sa main dans son dos, le tapotant doucement avant de la laisser reposer sur son épaule. « Je sais pas pourquoi il est parti sans revenir, ni pourquoi il s’est pas manifesté depuis. Mais j’pense pas que c’est ta faute. La dernière fois qu’il t’a vu, t’étais juste un enfant, il savait pas encore que tu serais un tocard un jour. » Pointe d’humour, même s’il le pensait un peu dans sa colère qui ne le quittait pas totalement. « Tu peux pas te blâmer, toi, enfant, pour les décisions d’un adulte. C’est lui le problème et ça a toujours été lui. et tu peux pas construire ta vie par rapport à une décision qu’il a pris. » Essayer d’être toujours mieux pour finalement n’arriver qu’à être pire. « Tu sais qu’il est à Séoul et j’pense que… Tu devrais essayer de le retrouver pour faire la paix avec tout ça. combler cette partie de l’histoire et comprendre que c’est pas ta faute. Ça a jamais été ta faute. C’était pas toi qui était pas assez bien pour lui mais lui qui a toujours pas été assez bien pour toi. » Sa mère ne l’avait jamais laissé, ni ses grands-parents, qui l’avaient toujours aimé inconditionnellement jusque là, qui étaient tous fiers de lui. « Et tu devrais peut-être aussi te faire aider », qu’il ajouta finalement dans un murmure, sachant que le sujet restait un peu tabou en Corée, mais ça l’avait aidé, lui. ce n’était pas magique, on ne guérissait pas de traumatismes et de blessures invisibles en une nuit. Mais le travail méritait d’être considéré et entrepris.

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Y a certaines choses qu'on préfèrerait pas savoir. Ilkyung se demande si cette information en fait partie. Peut-être qu'il vivait mieux dans l'ignorance, à se dire qu'il lui en aurait voulu de le lui cacher, s'il l'avait su, mais lui en vouloir un peu de lui avoir dit, parce qu'il sait, maintenant, lui aussi, et que savoir fait mal, un peu trop. Insupportable raz-de-marée de ses émotions refoulées, elles qui veulent toutes profiter de l'occasion pour se manifester. Il laisse d'abord parler la colère : la colère, ça fait toujours moins mal que le reste, alors, il s'énerve. Contre ce père qui l'a abandonné, ce père pas fichu de se manifester tout en vivant dans la même ville. Ce père qui s'en fiche. Lui, devrait s'en ficher un peu plus, alors, la colère se dirige aussi sur lui-même, parce qu'il s'en soucie, parce qu'il a pas été assez bien pour retenir, intéresser, un père qui était sûrement, au fond, perdu avant même d'être arrivé dans sa vie, mais qu'il aurait tout de même dû réussir à y garder.

"Ah. J'espère que c'est sa femme, alors," qu'il crache plein d'acide, parce que cet homme là, il ne mérite pas de vie heureuse, pas de famille parfaite. Une famille, il en avait déjà une, et c'est trop facile de simplement décider qu'elle ne lui convenait pas, puis, s'en trouver une nouvelle, plus digne de lui que cette famille de poupées de chiffons, alors abandonnée au sol et à la poussière. Comportement odieux d'un homme odieux, Ilkyung crache contre lui toute sa colère dans une tirade qui ne s'arrête pas, sauf lorsque la nature lui rappelle qu'il faut bien respirer, à se sentir vidé, puis savoir choisir parmi le tourbillon d'émotions négatives qui bouillonnent à l'intérieur, prêtes à déborder, voir le jour au moins une fois, s'exprimer, car c'est rare, lui qui d'ordinaire dissimule, contient, réprime, il peut plus, tout veut sortir, s'échapper, dégouliner, la colère, non, la rage, la douleur, la culpabilité, la rancoeur. La haine. La haine du père. La haine de lui, pas assez bon pour l'empêcher de fuir. Peu importe ce qu'en dit Myungsoo.

L'esprit blessé est irrationnel. Il entend les mots sans les écouter, incapable de s'arrêter de bouillir ne serait-ce qu'un instant pour pouvoir les faire entrer dans le mécanisme hermétique de sa réflexion, et tenter d'y trouver un peu de sens. S'il le faisait, peut-être lui donnerait-il raison...un jour, s'il y repensait, se le répéter. Tant d'années à s'en vouloir, à douter jusqu'à finir par se détester, ça se défait pas si simplement, surtout quand on s'y accroche autant. Le contact inattendu a un petit quelque chose de réconfortant, pas assez pour le calmer vraiment, pourtant. Les poings serrés et le rire sans joie. "Il a dû l'voir d'une façon ou d'une autre, pourtant. C'est juste que c'était l'premier à comprendre. On s'reconnaît p't'être entre tocards, qui sait. Tel père, tel fils, comme on dit...nan. J'suis peut-être un tocard, mais j'suis pas comme lui." Un lâche, assez pour abandonner un enfant. Choisir la solution de facilité...mais pourtant, n'est-ce pas ce qu'il a fait ? Non, c'est différent. Pas si facile qu'une porte de sortie discrète, mais il s'en veut tout de même. Y repense, et se déteste un peu plus. Peut-être qu'ils sont pareils, après tout. À chercher la facilité, sans penser aux conséquences.

"C'est facile à dire, que c'est lui, le problème, on s'dit ça pour se rassurer, mais au fond, qu'est-ce que t'en sais, hein ? Qu'est-ce que j'en sais, moi ? Pour qu'il puisse faire sa vie ailleurs comme si moi, j'existais pas, faut bien qu'il y ait une raison. Et qu'est-ce qui te dit que c'est pas moi, hein ? S'il se trouvait trop bien pour rester ici, c'est son problème, s'il voulait plus être avec ma mère, bah, c'est naze, mais c'est leur vie aussi, mais là, il est pas juste parti, il nous a effacés complètement. C'était pas si dur, d'donner des nouvelles. Même une putain de carte postale, merde, histoire de faire genre qu'il en avait quelque chose à foutre. Il s'est jamais donné cette peine. Alors p't'être bien que c'était aussi moi, le problème." Lui qui était pas assez, pour ce père qui voulait plus que lui, plus qu'eux, plus qu'ici. Qui voulait mieux. "C'est juste que c'est putain d'injuste. Qu'il ait l'choix de venir un beau jour, jouer à la famille pendant un moment, puis se dire qu'en vrai, bof celle-ci, il va s'en trouver une mieux. Il s'prend pour qui, même ? Il nous a pris pour qui ? Une fringue pas ouf que tu ramène au magasin parce que t'en as vu une plus belle ?" Analogie bancale, à parler encore sans réfléchir, au fil des émotions qui le traversent. "J'veux pas le voir. J'aurai rien à lui dire...il a pas voulu d'moi, il a pas non plus voulu donner un signe depuis le temps que j'suis là-bas, j'vais pas lui courir après. J'suis pathétique, mais pas à ce point." Le regard dur, à nouveau. "J'étais pas assez bien. Toi-même, t'as dit qu'j'étais pathétique. Et j'devrai même pas t'en vouloir pour ça, parce que j'suis d'accord." Il lui en veut quand même. Mais, sur l'instant, il se trouve assez pris à en vouloir à son père, puis à lui, pour s'occuper d'en vouloir trop à Myungsoo. Silencieux un instant face à la suggestion du plus jeune, à pas savoir quoi y répondre. Un haussement d'épaules, d'abord. "Me faire aider ?" Rictus amer. "J'vois pas trop à quoi ça servirait. Aller chialer chez un psy parce que mon père en a rien a foutre de moi, ou parce que....'fin, aller chialer sur c'qui va pas dans ma vie, j'vois pas le but. Il va faire quoi, hein ? Il peut pas changer les trucs déjà passés, que ce soit pour mon père ou pour mes décisions foireuses dont j'pourrai même pas lui parler." Les lèvres pincées, d'une amertume plus calme, plus raide. À se sentir coincé, et ça devient une sensation habituelle de son quotidien.

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C’était une conversation qu’ils avaient déjà eu, des mots qu’il avait déjà entendu, des suggestions qu’il avait déjà faite (probablement plus gentiment les autres fois) et le même discours sans fin qui tournait encore et encore, éternellement. La colère et la rancœur qu’il éprouvait encore envers Ilkyung lui enlevait une part de la patience qu’il avait toujours eu envers lui. après tout, si Ilkyung n’était pas capable d’être un bon ami envers lui, pourquoi devait-il l’être de son côté ? Et en même temps, il ne pouvait pas juste l’ignorer et le planter là après toutes ces années. Il avait été son meilleur ami depuis l’enfance et ça comptait encore malgré cette rancune tenace qui l’habitait. Myungsoo ne pouvait pas être impassible et insensible à la douleur qui traversait son ancien meilleur ami, le laissant alors, silencieux de son côté, exprimer toute sa douleur.

Ses sourcils se froncèrent légèrement alors qu’il rejeta l’idée d’un psychologue sans même plus y penser. Il n’était pas sûr si avant, il s’était attendu à ce qu’il reprenne les mots malheureux qui lui avaient échappé ce jour-là, quand sa colère avait pris le dessus sur sa raison et qu’il s’était volontairement montré blessant. Il préféra juste ignorer tout cela. « Moi, j’trouve pas ça si inutile que ça. » Il pouvait parler par expérience, même si le chemin était long avant qu’il ne soit réellement remis (le serait-il seulement un jour ?) en parler l’avait aidé à au moins sortir de ce tourbillon malsain où sa vie se résumait à ce qui lui était arrivé, où il n’y avait pas un jour sans que tout le ramène à ces mois, à ces nuits. « Ca changera pas ton passé, mais ça peut éventuellement changer ton futur. Et il a pas l’air glorieux si tu fais ce que t’as toujours fait, c’est-à-dire t’en charger toi-même en prenant des décisions bancales. » Pour ne pas dire foireuses. Mais il n’avait plus cette même colère explosive qui le pousserait à se montrer virulents dans ses propos. « Je sais que tu veux pas savoir ce que j’en pense et c’est pas à moi de juger ce que tu décides de faire ou pas. t’as vingt-quatre ans et tu traines encore le traumatisme de ton père qui vous a abandonné aussi vivement que quand t’en avais dix. » Et il n’était pas un cas isolé, il y avait des millions d’enfants dans sa situation qui gérait cela probablement différemment selon leurs propres situations. « T’essayes de réparer quelque chose de cassé avec les mêmes outils depuis des années, peut-être qu’un moment, faut accepter que c’est pas les bons outils et en essayer d’autres. Mais c’est pas à moi de te dire quoi faire, si tu veux continuer comme ça, c’est ta vie. » Doucement, il souffla avant de se redresser. « Je voulais juste que tu le saches parce que c’est ton droit de le savoir. Désolé si c’était pas ce que tu voulais. Le reste, c’est totalement à toi d’en faire ce que tu veux. » C’était juste dommage, de gâcher tellement de potentiels pour des décisions qui ne lui avaient jamais rien apporté de bon.

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