Saturn

Assis à une table du café avec une tasse à peine entamée posée à ses côtés, James extirpa plusieurs jeux de cartes d'oracles de son totebag, ainsi qu'un calepin rempli de notes qui semblaient à priori farfelues, sans sembler être tellement dérangé par le monde qui l'entourait. On pouvait plus ou moins y décrypter des mots parlant d'âme, d'enfant intérieur ou de dragons, le tout relié par les lignes ou des flèches. D'autres pages étaient quand à elles noircies par des dessins de lieux qui ne pourraient prendre place que dans des contes fantaisistes, ou alors d'écritures différentes.

Une fois bien installé et après avoir trouvé une page vierge à disposition, le jeune homme modifia son téléphone en mode avion, puis alluma son vieil ipod en enfonçant ses écouteurs dans les oreilles afin de se couper un peu plus de ce qui se passait autour de lui. « Il était temps de prendre des nouvelles du monde » à sa façon et pour cela, déconnecter de la réalité de tous les jours devenait de plus en plus nécessaire. À la façon d'une porte d'Armoire menant au royaume de Narnia, l'ancien idol se laissa plonger dans son univers intérieur à travers les notes de musique qui résonnaient à ses oreilles. Au fil des secondes, la présence des autres clients du café s'estompa alors et seules semblèrent exister cette table et ces cartes. Quand au message qu'elles auraient à communiquer, ça, personne ne pouvait le prédire à l'avance.

C'est donc avec le plus grand naturel que James se saisit de deux jeux de cartes pour en tirer une petite sélection et l'étaler sur la table, avant d'y déposer le regard lorsqu'il lui sembla qu'il n'y avait plus rien à y ajouter. (ton jeu de cartes) « ? » L'impression que cela donnait... c'est que c'était adressé à quelqu'un. Doucement, les écouteurs furent alors retirés et après un moment de réflexion et d'analyse des informations à sa disposition, le garçon regarda un peu autour de lui comme pour chercher la personne à qui étaient destinées les informations, mais on s'accorderait volontiers à dire que se faire dévisager par quelqu'un qui ne semblait pas avoir dormi de la nuit et qui venait de tirer des cartes un peu bizarres pouvait sans doute être plus effrayant qu'autre chose, vu de l'extérieur.

Les choses n'allaient pas forcément mieux qu'avant. Toujours perdu dans ses pensées, Lucas attendait sa commande au Luffy, les yeux posés sur les différentes affiches qui trônaient sur place. Il contemplait, plus précisément. Quoi ? Il n'en était pas sûr lui même. Le temps, la vie, les gens. Il passait à une vitesse folle, le temps, et chaque jour son père adoptif lui posait les mêmes questions auxquelles il ne voulait pas répondre. Et le mariage, c'est pour quand ? Il le savait, qu'ils l'attendaient. Ils l'avaient adopté pour ça. Avoir un descendant, qui à son tour en aurait. Le fruit d'un cycle dans lequel il n'avait pas forcément envie de s'engager, encore moins aux termes de celui qui l'avait adopté. Pourtant, il savait que c'était ce qu'il devait faire. C'était la condition de son bonheur, ou du moins, de ce qu'il avait été pendant quelques années, et il allait devoir passer à la caisse, à un moment ou à un autre. Jeehee était un bon alibi, pour l'instant, mais une fois qu'elle aurait quelqu'un pour de bon... À ce moment-là, il aurait besoin d'accepter la réalité.

S'appuyant sur ses coudes alors qu'il répondait à quelques messages, Lucas laissa son esprit vagabonder. Il fallait qu'il s'arrange avec l'agence pour prendre quelques congés afin de quitter la ville. Il ne savait pas où il irait, mais cela ne pouvait que lui faire du bien. Être un moment loin de ses parents, des réunions, de l'agence même.

Quand il rangea son téléphone, il s'appuya au fond de son siège, le regard attiré par un poids invisible qui pesait sur lui. Il tourna la tête et aperçut un visage familier. « James ? » Il avait l'air de le regarder un peu bizarrement, mais il avait pris l'habitude. « T'es là depuis longtemps ? Je t'avais pas vu. Comment ça va ?  » Bon, question dangereuse vu la tête qu'il tirait, mais quand on ne la posait pas, on ne pouvait pas avoir de réponse.

Lorsqu'un visage familier avait fini par se tourner vers le jeune homme, les traits de ce dernier s'illuminèrent légèrement. La dernière rencontre avec Lucas datait du mud festival de 2022 et en y pensant, le fait de se dire que chaque conversation avec lui ne s'était faite que dans des circonstances très particulières portait à sourire : aujourd'hui encore, à moins qu'un énorme hasard (en lequel James tendait à ne pas croire) soit venu à les réunir dans ce café, au beau milieu d'une métropole de plusieurs milions d'habitants, il semblerait que le message des cartes avait été livré à son destinataire par la « poste du destin ».

Si on écoutait ce que disaient les gens positifs, « la vie était ainsi bien faite ». Parfois, c'était difficile à croire pour le jumeau Kang... comme par exemple durant ces derniers mois qui se rapprochaient plus d'une longue traversée de fleuve agité que de celle d'une rivière tranquille, mais la seule chose à faire, c'était de se dire qu'il fallait continuer de se persuader que tout finirait par rentrer dans l'ordre d'une façon ou d'une autre. Cette épreuve devait être tout aussi difficile à vivre pour Jesse, après tout. Alors encore une fois, c'était plus facile de nager certains jours que d'autres, mais même si sa tête coulait parfois sous l'eau tumultueuse, notre garçon trouvait pour le moment le moyen de se propulser à la surface régulièrement lorsque ses pieds touchaient les rochers qui tapissaient le lit du cours d'eau. Il y avait des matins où l'état de son appartement prêtait l'ex-idole à se demander à quand remontait la dernière fois où le ménage avait été fait, et c'était généralement suffisant, lorsque la prise de conscience se faisait, pour l'alerter et lui redonner de l'élan. D'autres matins, qui en réalité se transformaient en après-midi ou soirées, rien de tout ceci ne semblait le déranger et le café pouvait faire office de repas. Au fond de lui, James commençait à comprendre que le réel combat en cours n'était pas d'attendre que son frère change d'avis sur son brusque départ, mais plutôt d'aprendre à vivre sans sa présence. Est-ce que c'était dur ? Oui. La validation de Jesse tenait une place proéminente dans les décisions que son homologue prenait et ceci... malgré les apparences. En effet, James pouvait souvent donner l'impression d'être un esprit indépendant et exubérant, pourtant, voila que le lien de co-dépendance toxique qui le liait à son frère avait largement été mis en avant avec leur rupture familiale. Apprendre à vivre pour soi-même après un événement aussi violent... c'était comme de devoir apprendre à marcher en étant adulte : on réfléchissait trop à comment faire au lieu de juste « faire ».

Mais voila, au milieu du chaos, il y avait des jours agréables quand même et aujourd'hui en était un.

Accordant un petit sourire en « c: » à Lucas, notre garçon y joignis un geste de main amical, avant de se redresser sur sa chaise. « Ca va, et toi ? Je ne savais pas que tu venais ici... tu veux t'asseoir avec moi ? c'est chouette de te voir pas couvert de boue ! » Parce que bon, au risque de passer pour une original pour la énième fois de sa vie, l'américain avait des cartes à interpréter sous les yeux.

Il ne l'avait plus vu depuis longtemps, mais il était content. De manière générale, il était rare que Lucas soit dérangé à l'idée de voir quelqu'un de son entourage, de toute façon. Même si James ne faisait pas à proprement parler partie de son cercle d'amis proches, il fallait bien constater que notre héritier n'avait hélas pas énormément d'amis, ce qui propulsait de ce fait James à un rang relativement élevé. Autant dire que le revoir n'avait pas manqué de lui arracher un sourire et qu'il n'avait pas perdu de temps pour se lever et aller se tenir debout à proximité de la table du compositeur, les mains posées sur la taille afin de pouvoir lui parler sans hurler à tort et à travers. « Ça va, ça va. » Un bien grand mot, mais il savait que la majorité des gens se moquaient bien de la réponse, de toute façon. Il n'avait de tout façon jamais aimé se plaindre. « Euh... Pourquoi pas, attends. » Il leva les yeux pour essayer de croiser le regard de la personne qui se trouvait derrière le comptoir pour lui indiquer son changement de place, et il prit place de l'autre côté de la table sur laquelle il avait entre temps posé les yeux. « Oh! Tu te tires les cartes ? » Il connaissait. Enfin, de loin. Il se rappelait vaguement cette occasion, à l'aquarium, où James lui avait parlé de vies antérieures... C'était peut-être lié ? Sa curiosité naturelle avait rapidement fait de reprendre le dessus, et avait généralement aussi vite fait de balayer ses craintes et ses idées noires, alors pourquoi aurait-il dû cracher sur la chance de poser des questions ? Si James ne souhaitait pas en parler, n'allait-il pas le lui dire, tout simplement ?

(c'est bon il veut bien passer à la première personne de nouveau) C'était rigolo de le trouver dans ce café. Leur concept était quelque peu particulier et j'avais déjà vu plusieurs personnes se braquer un peu face au comportement des serveurs, mais perso, quand on avait vécu avec un gars comme Jesse pendant plus de vingt ans, c'était pas grand chose à côté et ça m'amusait plutôt bien, au contraire. Il fallait voir ça comme une sorte de jeu de rôle, n'est-ce pas ?

Mon sourire s'était donc agrandi en voyant Lucas se lever et j'avais commencé à tirer mes affaires pour lui faire suffisamment de place à table, afin qu'il puisse s'installer correctement. Finalement, lorsque ce fut le cas, son intérêt concernant les cartes posées devant lui vint rassura la partie de moi qui craignait quand même d'être jugée par l'autre, si bien qu'il n'en fallut pas plus pour me donner une meilleure confiance en la situation. « Eh bien... » Un léger rire me pris sur le coup et je sentis la chaleur monter à mes joues, avant de saisir mon café tiède pour me cacher à moitié derrière. « C'était pas pour moi, cette fois, j'ai fais ça comme ça... c'est... tu sais c'est comme quand tu veux un chat et que tu es face à une portée et que tu adoptes le premier qui vient vers toi ? » Comparaison totalement lunaire, et alors ? « Ben, du coup, voila... tu veux regarder ? » Ce n'était surement pas la meilleure façon d'aborder quelqu'un, mais je n'avais jamais été très doué avec les codes sociaux. On pouvait au moins m'accorder le fait que j'en étais conscient, par contre ! « Oui je sais, on dirait un début de scénario de jeu vidéo ou de manga, dit comme ça, mais tu vas pas te faire aspirer dans un monde paralèlle, promis. » 

Curieux, oui. Le mot était faible pour le décrire. Lucas avait toujours adoré apprendre des choses, découvrir l'univers des autres. Alors quand il s'était approché et avait posé les yeux sur la table que James avait en face de lui et découvert les cartes qui s'y trouvaient, cette curiosité avait été piquée à vif. « Ah ? Tu veux dire que t'as tiré sans penser à quelqu'un en particulier ? » Sans avoir la moindre idée de la façon dont ces choses fonctionnaient, si ce n'était pour le peu qu'il avait pu en lire sur internet à l'occasion, il était sincèrement curieux. « Je veux bien, enfin... C'est pas... Enfin c'est pas privé ? » Il n'avait pas envie d'offenser quelqu'un, que ce soit les esprits ou les gens qui étaient concernés par ces cartes... Un rire échappa à l'héritier, bien malgré lui. « Ah ouais ? Dommage, ça aurait pu être fun.  Passer de l'autre côté d'un trou de ver ou quelque chose du genre. » Il avait sans doute trop regardé la télévision, mais ça lui convenait bien. « Tu les tires comment du coup ? J'ai aucune idée de comment ça fonctionne. » Au moins, il n'avait pas l'impression de le déranger. C'était un peu particulier et assez amusant, il devait dire. Mais l'idée de savoir ce que ces cartes voulaient dire l'intriguait beaucoup également.

« Oui... » Et en le disant, un rire m'échappa. C'est vrai que ça pouvait sembler particulier, dit comme ça, mais c'était l'une des façons pour avoir le moins de biais possible, selon moi. Et puis... ça demandait aussi d'avoir suffisamment confiance en l'univers et en la loi d'attraction pour être persuadé que le destinataire du message allait pointer le bout de son nez. J'allais éviter de vous parler de mon intution pour ce genre de choses, mais je ne me serais pas permis de faire un tirage en public si je n'étais pas persuadé que ça allait donner quelque chose.

Soit ça, soit j'avais un grain, soit les deux, mais ça je l'avais plus ou moins intégré depuis un moment et c'était en partie la raison pour laquelle il m'était assez difficile de me faire des amis : heureusement que Yoonho et Jacob restaient avec mon malgré mon « originalité ». Ce n'était pas facile tous les jours de vivre une réalité différente de celle de la majorité des gens, mais heureusement qu'en Corée, tout le monde était au courant de l'existence des Shamans.

« Non non, vas-y, regarde autant que tu veux. » C'était son tirage, après tout. Quand à sa remarque, elle me décrocha un petit sourire et je me permis de hausser les épaules, comme pour laisser planner un léger suspens, avant d'entendre sa question suivante. C'était ... plutôt inattendu. Et sur le coup, je le regardais, l'air de me demander s'il était réellement intéressé ou s'il se moquait doucement de moi. « Ca... t'intéresse vraiment ? »

Lucas ne pouvait mentir : cela l'intriguait profondément. Il ne s'était jamais intéressé que de très loin aux pratiques du genre, et pourtant, elles revêtaient à ses yeux quelque chose de mystérieux, presque mystique, qu'il ne parvenait pas à décrire. Son regard arrêté sur les cartes qui se trouvaient devant James, il hocha la tête, perdu dans ses pensées. Elles étaient assez intéressantes, en plus d'être belles. Certaines posaient beaucoup de questions. Intéressé par l'univers et l'espace comme il l'avait toujours été, il avait posé les yeux sur la Patience. « Les illustrations sont vraiment belles. » Il hocha encore la tête, prenant le temps d'observer les cartes voisines avec tout autant d'intérêt. Le chaman avait l'air un peu plus menaçant, mais il ne savait pas si l'illustration et les significations étaient alignées, dans ces cas-là. « Bien sûr ! Je m'y connais pas du tout, mais je trouve ça fascinant. » Un sourire étira ses lèvres alors qu'il se redressait un peu. « Du coup tu sais les interpréter ?  Ou tu prends juste le sens qui est écrit dessus ? » Un rire lui échappa malgré lui. « Pardon si je pose trop de questions, c'est juste... Je suis juste curieux. » Et c'est bien une chose qu'on ne changerait jamais chez lui. Il avait besoin de savoir, de demander, d'approfondir, encore et toujours. Parfois, il s'en épuisait lui-même. Il espérait juste, aujourd'hui, que James n'allait pas se sentir mal à l'aise à cause de lui.

Avec le temps, j’avais appris à savoir réfréner les impulsions qui me poussaient à partager presque tout ce qui me passait par la tête et ce avec presque n’importe qui, mais il y avait encore des jours où ma nature reprenait le dessus… comme aujourd’hui, par exemple. L’engouement de Lucas pour les quelques cartes posées devant nous me donnait vraiment l’envie de lui ouvrir grand les portes dans mon univers un peu « particulier », mais en même temps, j’étais conscient qu’il me fallait faire de mon mieux pour rester sur la réserve, afin d’éviter de le mettre mal à l’aise, comme ça avait été le cas de nombreuses personnes avant lui. Evidemment, c’était très frustrant… beaucoup de gens avaient peur de ce qui touchait au domaine de la spiritualité, car cela faisait appel à notre « sixième sens », celui qu’on nous apprenait à réprimer dès l’école mais qui pourtant nous permettait de sentir, entendre, ou voir des choses à des fréquences différentes de celles des gens « normaux ». C’était aussi le domaine de l’intuition, du fait de « savoir » des trucs comme des évidences, sans en avoir la preuve scientifique à l’appui, et même si j’avais commencé à m’habituer au fait d’être regardé de travers ou jugé pour mon enthousiasme un peu « trop » fort envers tout ça, ça ne voulait pas dire que j’étais insensible au regard des autres pour autant. Oh, j’aimerais bien que ce soit le cas, mais je restais un humain et non pas un ange, sans compter le fait que j’étais un peu fragilisé par l’absence de Jesse qui me laissait un cruel sentiment de vide dans le coeur.

Preuve en était mon silence, en attendant de savoir comment mon interlocuteur allait réagir face aux informations à sa disposition. Sans feu vert de sa part, on se contenterait de rester sur des sujets de surface qui m’ennuyaient au plus haut point mais qui avaient au moins le mérite d’être sans danger pour l’ego de chacun. Au contraire, s’il voulait bien se plonger dans l’interprétation de ces cartes, alors je serais ravi de pouvoir être moi-même.

Les questions de Lucas me donnèrent alors un début de réponse, et même si dans un premier temps, je lui servis quand même un regard quelque peu réservé en attendant qu’il termine ce qu’il avait à me dire, son rire et ses excuses finirent par laisser un léger sourire venir étirer mes lèvres.

« Ne t’excuses pas pour ça, je croise peu de personnes qui s’intéressent à d’autres choses que ce qu’ils connaissent déjà. » Et les gens qui aimaient s’entendre parler parce que ça les gardait dans leur zone de confort, il y en avait un peu trop à mon goût. À quel moment est-ce qu’on devenait un adulte qui avait une peur bleue d’avoir « tort », de ne « pas savoir » et d’être potentiellement jugé comme « bête »? Ah, si. À partir du moment où on se retrouvait face à d’autres adultes qui étaient pareils, en manque de confiance en eux, et donc capables de saisir la moindre occasion de défendre les frontières de leur esprit étriqué en venant rabaisser ou moquer les autres s’ils avaient le malheur d’admettre qu’ils « ne savaient pas ».

Mais si on prenait Zelda en métaphore: devenir fort, ce n’était pas de se construire une forteresse autour de soi pour empêcher les autres d’y entrer et les bombarder en cas de besoin, c’était d’apprendre à utiliser son épée et son bouclier pour aller explorer le monde extérieur, « because it’s dangerous out there ». Evidemment que le monde extérieur était dangereux… les jeux vidéos nous apprenaient tout ça dès l’enfance, alors comment est-ce que les adultes arrivaient quand même à devenir si effrayés par l’inconnu ?

Et est-ce que les enfants en quête d’exploration n’étaient pas parfois plus adultes et courageux que les adultes eux-mêmes ?

En bref, c’était franchement trop cool de voir que Lucas était aussi curieux.

« Oh oui, je peux te les interpréter si ça te dit… la divination fait partie de mon travail, mais le plus important c’est ce que ça te raconte à toi: qu’est-ce qui te vient à l’esprit ou qu’est-ce que tu ressens en les regardant? » Mon sourire s’étira légèrement en le disant et je posais mon menton dans une main.

Comme à chaque fois, la curiosité de Lucas le portait. Il était rare qu’il parvienne réellement à se retenir de poser des questions sur les sujets qui l’intéressaient. D’ailleurs, en grandissant, quand il n’était pas surveillé par ses parents adoptifs, il était auprès d’autres personnes qui pouvaient lui parler, bien souvent d’économies et de choses que d’autres n’auraient pas considérées comme des ‘choses de son âge’. Les sujets n’avaient pas tous des âges limités aussi précis qu’on voulait bien l croire. En grandissant, il continuait à penser que certains sujets étaient accessibles, et qu’il s’agissait bien souvent les approcher d’une manière sincère et adaptée en fonction de la personne qui se trouvait en face de vous.

Mais l’heure n’était pas à tergiverser sur la nécessité d’apprendre des notions d’économie et de science à des bambins. Son intérêt était bien trop absorbé par ce que lui montrait James, dont la bienveillance l’épatait un peu plus à chaque rencontre.

« Difficile de dire pour les autres, mais dis-toi que ça en fait déjà un, si c’est que ça. » Un sourire sincère lui vint aux lèvres alors qu’il reposait les yeux sur les cartes. « Je pourrais pas vivre si j’en apprenais pas un peu plus chaque jour. » Et c’était on ne peut plus vrai. Il ne comptait plus les livres qu’il feuilletait à longueur de journée (sur sa Kindle, certes), ses choix de films et de jeux, sans compter toutes les conversations qu’il pouvait avoir, cherchant toujours la personne qui sortait du lot lors des événements. Parfois, cette conquête de l’inconnu était bien veine et malheureuse, quand il rencontrait la mauvaise personne, mais dans l’autre sens, c’était une sensation inestimable.

« C’est vrai ? » Son travail… N’était-il pas idole ? Rien n’était impossible, après tout. Lui-même avait de nombreux hobbies, dont l’astronomie. « On en apprend tous les jours. Tu fais ça depuis longtemps ? Enfin, si ce n’est pas indiscret, surtout. » Il hocha ensuite la tête. « Je vais essayer. » Son regard se posa sur les différentes cartes alors qu’il réfléchissait. « Celle… » dit-il en posant le doigt en face de la carte de la patience. « Elle est très belle… » Un rire lui échappa malgré lui. « Mais ça, c’est peut-être mon amour pour l’espace qui parle... Plus sérieusement, on dirait un enfant de l’univers… Enfin, je sais pas… Une communion ? » Il jeta un oeil du côté des cartes suivantes. « On dirait qu’elles parlent beaucoup de la terre, ces quatre-ci ? Et en dessous on dirait un peu une grotte. » Il était sérieux, mais en même temps, il peinait à donner un sens précis à ces cartes. Son regard resta posé un peu plus longtemps sur la carte du compagnon. Pour une raison qui lui échappait, celle-ci lui provoqua un pincement au cœur.