→ piste 1

J'aurais peut-être pas dû leur dire, que je savais faire du snowboard, aux gars qui nous avaient inscrits... tout ce qui relevait de la compétition avait tendance à me stresser bien vite et encore plus les courses de vitesse. Ça, les trucs de chant, les awards, les sessions d'entrainement de danse, la manager, les trucs que les japs du groupe nous racontaient et puis la liste continuait encore un long moment. Du coup, c'est comme à mon habitude que j'étais parti m'isoler un moment, écouteurs sur les oreilles pour m'aider à me concentrer, avant qu'on nous demande de monter vers la ligne de départ du slalom. Alors bon, autant, j'avais surfé aux USA pour le plaisir et en famille, autant là, ça n'avait rien à voir. Quoi qu'il en soit, il était un peu tard pour faire chemin arrière et de toute manière, j'avais envie de faire de la promotion pour 6rhymes, il n'était donc pas question de faire moins que : de mon mieux.

Sagement appuyé aux barres qui nous servaient à prendre de l'élan, je repensais alors à ce jeu auquel Hayun et moi étions accros à l'époque. SSX tricky, là. Ah, damn, le compte à rebours ! C'était le moment de bien démarrer en évitant de se prendre la personne d'à côté dans la figure. Trois, deux un, départ, il n'y avait plus qu'un mot d'ordre à donner : la concentration.

Et finalement, une fois le signal de départ donné et ma planche élancée sur la descente, le niveau de stress chuta comme à chaque fois que je m'attelais à une tâche avec suffisamment d'implication pour ne plus donner l'occasion à mon cerveau de paniquer pour tout et n'importe quoi. Focalisé sur la piste, j'essayais de faire abstraction des autres participants et de me remémorer les mouvements vus durant les entrainements. Virage à droite, virage à gauche, c'est à moitié plié en deux que je laissais le poids de mon corps dessiner une trajectoire qui semblait, pour le moment, plutôt précise. On n'arrivait qu'au premier tiers du parcours et il ne fallait jamais vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tuée, mais pour l'instant, je me sentais plutôt à l'aise sur la neige et mes réflexes de surfer semblaient encore présents. Bah tant mieux, tiens, c'aurait été la honte pour l'amérique, ça. On avait quand même Shawn White, chez nous, donc une partie de mon cerveau voulait honorer mon pays de naissance, même si c'était, qu'on se le dise bien, une idée complètement ridicule et enfantine.

Eh bah voila ! Eh bah voila, ce que c'était que d'avoir l'esprit qui divaguait, tout à coup. Pour je ne sais trop quelle raison, j'avais presque loupé un piquet et avais planté sur ma carre pour ne pas être éliminé avant l'heure, provoquant un énorme nuage de poudreuse au passage et me bloquant partiellement la vue, avant que je puisse me remettre en route, tout en pestant d'avoir perdu un bon paquet de secondes. Maintenant que je m'étais laissé déconcentrer une première fois, le reste de la descente devint subitement plus compliqué à gérer, parce que je m'en voulais sérieusement de mon erreur... et que cet état d'esprit m'amena à en faire d'autre, des très stupides, d'ailleurs. Perdant donc quinze secondes par ici, puis dix par-là, c'est avec plus de difficultés que j'enchainais la seconde partie du circuit en tentant tant bien que mal de rattraper le retard engrangé.

Le snowboard et toi, ce n’est pas exactement ce qu’on appelle un grand amour. Si tu pratiques le sport comme activité hivernale occasionnelle, tu sais tenir debout sur ta planche et c’est à peu près ce à quoi ton talent se résume. Ton esprit compétitif reste derrière toi, bien déterminé à ne pas prendre ce sport avec autant de passion que le patinage. De toute façon, tu te doutes que tes chances de remporter quoique ce soit sont quasi inexistantes, attendant le signal de départ avec un mélange d’angoisse et d’excitation. Tu prends quelques secondes pour t’assurer que ton casque et tes lunettes sont bien en place, ne tenant pas à rencontrer un malheureux accident si tu devais éventuellement te casser la gueule sur la piste. Peut-être connais-tu les bases du snowboard, sauf que tu es bien loin d’être à l’abri d’une mauvaise chute ou d’un faux mouvement. Le chronomètre se lance et tu en fais tout autant en essayant de ne pas laisser ton esprit divaguer et rester concentré sur l’objectif à atteindre.

Certainement pas le type le plus à l’aise à se tenir sur une planche en dévalant une piste entourée de caméras, tu priorises l’idée de demeurer sain et sauf plutôt que de terminer le premier en bas. Ton score étant le dernier de tes soucis, tu manœuvres au meilleur de tes capacités. Malgré le manque de confiance dont tu fais évidemment preuve dans cette situation, un sourire tire tes lèvres parce que tu gagnes un certain amusement de cette descente. Des virages à droite et à gauche, une obligation de faire un peu plus de prouesses que de simplement rester debout en équilibre sur un objet défilant à une vitesse un peu déconcertante. Vivement que tu puisses aller enfiler tes patins en espérant ne pas te blesser dans cette partie de la compétition puisque tu trouverais dommage de ne pouvoir participer à la discipline que tu favorises. Objectif qui te force à rester concentré, à mettre en œuvre des techniques apprises à la dernière minute avec l’espoir que tu parviennes à les mémoriser suffisamment vite pour en faire bon usage. Le genou droit se fait un peu plus mou lors d’un nouveau virage, mais tu te ressaisis assez vite pour éviter le pire avec un martèlement accéléré d’un cœur qui bat déjà à la hâte.